les élections laissent encore moins de place à la liberté

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Les Ivoiriens se sont rendus aux urnes le 25 octobre 2025. Ils devaient choisir entre le président sortant Alassane Ouattara, qui visait un quatrième mandat, et quatre candidats n’ayant pas le soutien des grands partis d’opposition. Le choix était très limité, les trois principaux candidats de l’opposition ayant été interdits de se présenter. Ouattara a une nouvelle fois remporté une victoire écrasante au premier tour avec 89,77 % des voix.

Je suis chercheur. J’observe l’évolution politique en Côte d’Ivoire depuis 15 ans, et je participe actuellement à un projet sur les mouvements de boycott qui étudie le cas de la Côte d’Ivoire.

Cela éclaire ma lecture des élections présidentielles de 2025 et les perspectives démocratiques de la Côte d’Ivoire.

La Côte d’Ivoire est généralement considérée comme un leader régional en matière de performances économiques. Pourtant, les élections de 2025 poursuivent une tendance inquiétante de recul démocratique et de polarisation politique.

Les élections législatives du 27 décembre seront un test pour la résilience démocratique du pays.

Le contexte préélectoral

Au cours des mois qui ont précédé les élections présidentielles, les principaux candidats de l’opposition ont été exclus. Un certain désintérêt politique s’est alors installé dans un espace démocratique de plus en plus restreint.

Ouattara a annoncé sa candidature en août. Cela s’est fait malgré les objections généralisées à sa candidature pour un troisième mandat en 2020, tant au pays qu’à l’étranger.

Comme en 2020, ses détracteurs ont insisté sur le fait que Ouattara outrepassait son mandat constitutionnel d’un seul mandat présidentiel, renouvelable une fois. Il a fait valoir qu’une révision de 2016 lui donnait le droit de se présenter deux fois.

À l’approche du jour du scrutin, le paysage politique ivoirien était marqué par la polarisation, la répression et l’incertitude.

Les tensions se sont intensifiées début septembre lorsque le Conseil constitutionnel a disqualifiécinq candidats de l’opposition de premier plan. L’ancien président Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro ont été exclus en raison de condamnations pénales antérieures. Les deux principaux challengers, Tidjane Thiam et Pascal Affi N’Guessan, ont été écartés pour des raisons de procédure.

Cette exclusion a quasiment assuré la victoire de Ouattara, dont la campagne s’est concentrée sur l’obtention d’une majorité absolue.

Début octobre, le Conseil national de sécurité a interdit les rassemblements publics, à l’exception de ceux organisés par les candidats officiels, au motif de « maintenir l’ordre public ». Il a également imposé des restrictions supplémentaires sur les mobilisations citoyennes. Il a utilisé la lettre de la loi pour servir les intérêts de Ouattara en limitant les manifestations contre sa candidature.

Malgré ces interdictions, les partis d’opposition ont appelé à des manifestations quotidiennes, mais les rassemblements étaient généralement peu nombreux et rapidement dispersés par les forces de sécurité.

Trois jours avant les élections, Gbagbo a dénoncé ce qu’il a qualifié de « coup d’État civil » et a exprimé son soutien à ceux qui « protestaient contre ce vol électoral ».

Le 11 octobre, des manifestants sont descendus dans les rues d’Abidjan. Ces actes de défiance ont conduit à quelque 700 arrestations et 80 peines de prison pour trouble à l’ordre public. Onze personnes ont été tuées lors d’affrontements entre les forces de sécurité et les manifestants.

Avec d’autres observateurs nationaux et internationaux, Amnesty International a dénoncé la répression des manifestations. Dans le même temps, le gouvernement a déployé 40 000 agents de sécurité à travers le pays.

La France, la Cedeao et l’UE sont restées largement silencieuses. Elles ont généralement privilégié la stabilité et les relations stratégiques avec le gouvernement ivoirien au détriment de la responsabilité démocratique. Cette passivité risque d’effriter davantage la crédibilité de ces acteurs internationaux tout en renforçant les discours sur le double standard occidental dans la région.

Alors que les partis d’opposition exclus ont tenté, sans grand succès, de mobiliser leurs partisans dans les rues, les candidats restants, représentant de petits partis ou coalitions récemment créés, ont adopté une stratégie différente.

La dirigeante du Mouvement des générations capables, Simone Ehivet Gbagbo (ancienne première dame, qui a divorcé de l’ex-président Gbagbo en 2023), a déploré l’élimination de son ex-mari. Mais dans les dernières semaines de la campagne, elle a insisté sur le fait qu’il était trop tard pour appeler les gens à descendre dans la rue.
Elle a plutôt appelé les gens à voter.

Jour du scrutin

Le jour du scrutin s’est déroulé dans le calme dans l’ensemble du pays, mais des affrontements violents ont éclaté dans plusieurs villes. Le président de la Commission électorale indépendante, Ibrahim Kuibiert Coulibaly, a qualifié ces incidents de « marginaux » et « rapidement maîtrisés ».

Si le résultat des élections n’a jamais fait de doute, le taux de participation était moins prévisible. Le taux de participation confirmé de 50,1 % montre que de nombreux électeurs sont restés chez eux, beaucoup par apathie, mais aussi par crainte des risques d’affrontements violents autour des bureaux de vote.

Les résultats provisoires annoncés le 27 octobre ont donné 89,77 % des voix à Ouattara. Tidjane Thiam et d’autres membres de l’opposition ont dénoncé un processus électoral truqué et polarisant, avec une participation insuffisante. Thiam a appelé à une résistance non violente et demandé au gouvernement d’engager un dialogue pour la réconciliation.

Le parti au pouvoir et les médias favorables à Ouattara ont qualifié le résultat de « victoire écrasante », célébrant en particulier les victoires de Ouattara dans les bastions historiques de l’opposition.

Trois jours après le scrutin, plusieurs dirigeants des principaux partis d’opposition ont été convoqués par la police au motif que des armes de guerre avaient été trouvées au domicile de personnes liées à la marche du 11 octobre.

Ainsi, même si l’on peut dire que les élections se sont déroulées sans incident majeur, l’absence de véritable compétition et les mesures prises pour restreindre l’opposition ont entaché la crédibilité du scrutin et l’héritage de M. Ouattara.

Quelles perspectives pour la démocratie ?

À court et moyen terme, les principaux partis d’opposition pourraient tenter de retrouver de l’influence lors des élections législatives du 27 décembre. Ils pourraient aussi reprendre leurs manifestations.

À long terme, Ouattara devrait s’orienter vers un autoritarisme assumé pour justifier une cinquième candidature en 2030. Il est plus probable qu’il passe la main à un successeur issu de son cercle rapproché.

Même si cela se produit, de sérieuses questions subsistent autour du cadre électoral. L’opposition affirme depuis longtemps que la commission électorale indépendante est partiale et favorise le président sortant.

La présidence de Ouattara est entachée par son bilan en matière de compétitions électorales partiales, de violence politique et d’insécurité, et par la réduction de l’espace d’expression publique.

Compte tenu de l’importance stratégique de la Côte d’Ivoire pour les pays du Nord, en tant que rare allié dans la sous-région, les acteurs internationaux n’auront pas grand-chose à dire sur ses performances démocratiques.

Les perspectives de réconciliation, de réforme politique et de transition pacifique en 2030 dépendront principalement du parti au pouvoir. Celui-ci devra encourager le dialogue et l’inclusion politique aux niveaux municipal, provincial et régional.

Les législatives du 27 décembre permettront de mieux mesurer le rapport de forces réel que l’élection présidentielle quia été entachée d’irrégularités.

Amelie Stelter, du département de recherche sur la paix et les conflits de l’université d’Uppsala, en Suède, a contribué à cet article.



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